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Le commencement de Votre dernière lettre a du être bien
flatteur pour moi. Laudari a laudato viro1 est une chose qui
n’êtoit pas même indifférente a Ciceron; mais je sens trop bien,
que Vous m’avés voulu plutôt montrer, ce que je devois être, que [ce]
que je suis. Moi utile a mes amis! de l’indulgence desquels jai
le plus grand besoin, utile a ma famille, qui jusqu’ici a été plutôt
mon soutien, que moi le sien, utile a la patrie, qui jusqu'à present
n’a reconnu en moi qu’un citoyen tres superflu et qui n’a rien fait
pour elle. Mais je Vous suis bien obligé de m’avoir montré la car-
riere, que je dois courir et je Vous sai beaucoup de gré de ce que
Vous connerissés le mot de patrie, qu’on entend prononcer si peu
dans une Monarchie, et qui devroit y être aussi connu, et plus même,
que dans une republique
Vous aurés vu par ma derniere lettre, que j’ai procuré cinq souscriptions
a Mr. de Premontval a Strelitz; c’est beaucoup pour un endroit
ou il n’y a peut être pas au dela de cinq personnes, qui parlent le fran-
cois. Ce n’est pas pour me faire valoir, que je Vous ecris ceci, mais
pour Vous marquer, avec quel plaisir je reçois Vos commissions et avec
quelle exactitude je tache de les executer. Vous avés bien de bon-
té de Vous charger des miennes, et je Vous en rends mille graces, de même
que de la digression, que Vous avés bien voulu faire sur l’Optimisme.
De telles matieres recoivent toujours des nouveaux agrements, quand
ils passent par Vos mains. Je suis entierement de Votre avis, et je crois
que ce monde est le meilleur, que la sagesse divine aye pu trouver
parmi tous les possibles, mais que la liberté, si essentiellement
necessaire au monde, que sans elle il seroit un assemblage de machi
nes et de corps sans vie, est l’unique cause de ce que tout n’y est
pas mieux. Si les personnes, qui crient et ecrivent tant contre l’Op-
timisme employoient la moitié de ce tems a perfectionner leurs
facultés, et a en faire l’usage dû et convenable, tout seroit encore
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mieux dans ce meilleur monde. Pardonnés ce petit raisonnement
a un commencant, qui ne commence a begayer, que pour être instruit
et soutenu par Vos leçons. J’espere d’en profiter bien tôt plus, croyant
me pouvoir rendre a Berlin vers le milieu ou la fin de la semaine
qui vient. Ce pays est trop sterile en nouvelles pour Vous pouvoir
en donner en revange de ceux, que Vous m’ecrivés de Berlin.
Mon frere Vous fait ses compliments et commence a se retablir
et moi je ne cesserai jamais d’etre, Monsieur,
Votre tres humble serviteur Buch
à Blumenow ce 30 Avril 1759
Le commencement de Votre dernière lettre a du être bien flatteur pour moi. Laudari a laudato viro1 est une chose qui n’êtoit pas même indifférente a Ciceron; mais je sens trop bien, que Vous m’avés voulu plutôt montrer, ce que je devois être, que [ce] que je suis. Moi utile a mes amis! de l’indulgence desquels jai le plus grand besoin, utile a ma famille, qui jusqu’ici a été plutôt mon soutien, que moi le sien, utile a la patrie, qui jusqu'à present n’a reconnu en moi qu’un citoyen tres superflu et qui n’a rien fait pour elle. Mais je Vous suis bien obligé de m’avoir montré la carriere, que je dois courir et je Vous sai beaucoup de gré de ce que Vous connerissés le mot de patrie, qu’on entend prononcer si peu dans une Monarchie, et qui devroit y être aussi connu, et plus même, que dans une republique
Vous aurés vu par ma derniere lettre, que j’ai procuré cinq souscriptions a Mr. de Premontval a Strelitz; c’est beaucoup pour un endroit ou il n’y a peut être pas au dela de cinq personnes, qui parlent le francois. Ce n’est pas pour me faire valoir, que je Vous ecris ceci, mais pour Vous marquer, avec quel plaisir je reçois Vos commissions et avec quelle exactitude je tache de les executer. Vous avés bien de bonté de Vous charger des miennes, et je Vous en rends mille graces, de même que de la digression, que Vous avés bien voulu faire sur l’Optimisme. De telles matieres recoivent toujours des nouveaux agrements, quand ils passent par Vos mains. Je suis entierement de Votre avis, et je crois que ce monde est le meilleur, que la sagesse divine aye pu trouver parmi tous les possibles, mais que la liberté, si essentiellement necessaire au monde, que sans elle il seroit un assemblage de machines et de corps sans vie, est l’unique cause de ce que tout n’y est pas mieux. Si les personnes, qui crient et ecrivent tant contre l’Optimisme employoient la moitié de ce tems a perfectionner leurs facultés, et a en faire l’usage dû et convenable, tout seroit encore
mieux dans ce meilleur monde. Pardonnés ce petit raisonnement a un commencant, qui ne commence a begayer, que pour être instruit et soutenu par Vos leçons. J’espere d’en profiter bien tôt plus, croyant me pouvoir rendre a Berlin vers le milieu ou la fin de la semaine qui vient. Ce pays est trop sterile en nouvelles pour Vous pouvoir en donner en revange de ceux, que Vous m’ecrivés de Berlin. Mon frere Vous fait ses compliments et commence a se retablir et moi je ne cesserai jamais d’etre, Monsieur,
Votre tres humble serviteur Buch
à Blumenow ce 30 Avril 1759