Briefe und Texte
aus dem intellektuellen
Berlin um 1800

Brief von Johann Albrecht Euler an Jean Henri Samuel Formey (Sankt Petersburg, 21. November 1766)

 

 

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6
Petersburg ce 21 Novembre St. v. 1766.
Monsieur mon très chèr et très honoré Oncle!

Je commencerai par repondre à la lettre que Vous venez d’ecrire à mon père. Si
j’étois moins foible dans la langue françoise, si les sentimens de mon cœur ne
surpassoient pas en energie toutes les expressions que je pourrois former, je Vous
peindrai avant toute chose Monsieur et très honoré Oncle ! tous le respect et
toute la reconnoissance que je Vous porte, je Vous dirai enfin, combien je
Vous regrette et combien je suis sensible à Votre precieux souvenir.

1. L’Academie Imperiale reçoit plusieurs journeaux et presque tous les mémoires
des autres Academies, mais elle les reçoit un peu tard, sachant d’ailleurs que Vous
recevez souvent des nouvelles litteraires avant qu’elles paroissent dans les journeaux,
elle Vous prie de lui en faire part ; Vous assurant de plus que Vos lettres lui seront
toujours agréables quoiqu’elles contiennent et à quel tems Vous les lui enverrez.
L’Academie nene vous prescris pas cette raison aucuns point des termes reglés pour ces envois.

2. Votre pension commence deu la date jour de Votre engagement, c’est-à-dire de
la date de la lettre de Mr de Stehlin. Vous recevrez au nouvel an la partie
qui est dû à l’intervalle echû, et dans la suite on Vous enverra à chaque
renouvellement d’année une lettre de change de la valeur de 200 Roubles, que
Vous présenterez pour toucher cette somme à quel Banquier que Vous jugerez à propos.

3. Vous enverrez à l’Academie à la fin de chaque année un compte, contenant
les ports de lettres et les fraix de tout ce que Vous avez deboursé pour les
commissions qu’on Vous a donné pendant le cours de l’année. Vous commencerez
par ce que la lettre de Stehlin vous a couté.

4. Vous aurez enfin la bonté d’instruire l’Académie imperiale de tout ce qui se passe d’impor-
tant dans l’Academie de Berlin. Voilà tout ce que dont la Conference de’hier m’a chargé
de Vous ecrire. Le Comte d’Orloff m’a ordonné de Vous assurer qu’une lettre de Votre
part ne sauroit que faire plaisir à S.M.I. il vient de lui communiquer celle que
Vous lui avez adressé, dont on a été très satisfaite, et S.M. disoit, Mr Formey me
fera grand plaisir en m’ecrivant. Le Comte Vous prie de l’excuser, qu’il ne Vous a
pas encore répondû, il a trop peu de momens de reste : l’Academie Imperiale après
avoir été instruit du caractère de Mr. Lxxx sera maintenant bien charmée, s’il refuse :
qu’il ne rumine pas trop long tems, s’il a envie de venir. S.E.L. de Munnich a recû
le livre que Vous avez expedié, mais un peu tard ; c’est sans doute par la négligeance
des Maitres de Postes. Nous serons bien charmé de recevoir le Volume de l’Academie
de Berlin
pour l’année 1759, s’il est possible de nous l’envoyer par occasion. En
tout cas Monsieur et très honoré Oncle ! Vous n’avez qu’à donner ce Volume au
Libraire Nicolai qu’il s’est chargé de me faire tous les ans un envoi de livres.
Vous recevrez au premier jour le Xème Volume de nos Commentaires, peut-être l’avés
Vous déjà reçû à cet heure. On imprime actuellement le XIème Volume. Vous me
demandez Monsieur et très honoré Oncle ! Si nous avons déjà fait quelques connoissances
qui ressemblent aux compagnies de Berlin. A plût à Dieu ! non mon chèr Oncle !
Petersbourg n’est pas l’endroit, où l’on vit de cette façon, la ville est trop grande et
les connoissances trop difficiles à cultiver. Peut-être pourrions nous avec le tems trouver

trouver dans le voisinage quelques personnes qui à cet égard pensent comme nous. Jusqu’ici
je n’ai frequenté que la Cour et les grands Seigneurs, c’est la manière de vivre ici, et même les
academiciens ne se voient guères que dans ces endroits tiers. Je n’ai pas encore eu occasion
de voir le comte de Bruce. Vos lettres données au Chantre Poulet et au Bijoutier Marre nous
sommes sont bien parvenûes : je suis surpris moi-même de ce que je ne Vous l’ai pas encore mandé.
Le premier sera actuellement de rétour à Berlin, mais je n’ai point voulû lui donner des
lettres, de peur qu’elles ne de lui causentr pas de chagrin : il paroit être un très honnet homme,
dont le plus grand defaut consiste à ne pouvoir pas chanter. Je viens à mon journal.

Vous aurez appris de mon beau père, monsieur et très honoré oncle ! que j’ai été présenté à S.
M.I.
le 23 Octobre. Le 28 je dinai chez le Comte Alexi Rasoumotsky, où je fis connoissance
avec le célebre Chambellan Jaragun, neveu du Comte, ou mieux son f.n. Ce soir il y eut une
incendie dans notre voisinage mais le secours a été si prompt et si bien ordonné qu’il
ne brûla qu’une seule maisonnette : nous avions tous bien peur. Le 29 je fûs à la
Cour. Le 31 fût publié dans le Senat que S.M.I. avoit nommé mon père, moi, Messrs. De Stehlin,
Lehmann, Rottelnikoff et Rumoffsky pour travailler sous la direction du Comte d’Orloff
à la Restauration de l’Academie des Sciences, [] cette commission est perpetuelle
et administrera toutes les affaires tant oeconomiques que litteraires de l’Academie.
C’est un pas qui avec le tems que pourra avoir de bonnes suites pour moi. Le 2
de Novembre cette Commission commenta ses fonctions : le 4. Je dinai chez nôtre chef. le 5
j’eus la visite de ce Mr de Millen, dont Vous Vous resouviendrez peut être : il avoit logé
dans Vôtre maison et fréquenté Vos leçons de Philosophie : c’est ce vaut-rien qui après avoir
dépensé une somme considerable fût subitement rapellé de son père qui alors étoit Chirurgien
ici :il est et (le fils) ceil est actuellement Prof. en Anatomie à l’Hopital et sa femme a gagné les bonnes graces
du Chef de son mari
. Le même jour je fûs à un enterrement, j’entendis à cette occasion prononcer
un très beau discours et je remportai outre cela des gans blancs et un citron. Le 7 je
fûs reçû membre de la Societé oeconomique, dont mon beau père Vous fera une ample
description. Le 9. J’etois bien surpris de lire dans la Gazette de Francheville que nous avons
ici eu la Peste ; qui est ce qui lui aura pû donner cette fausse nouvelle ; jamais l’
automne a été plus belle, et jamais l’année plus saine que cette fois-cy. Le 11. la Commission
dina encore chez le Chef : le 12 je fus à l'eglise entendre prononcer un discours sermon françois par Mr. Dilthei. Le 16 fût mon jour de naissance, que ma femme celebra avec
beaucoup d’eclat, et dont elle ne m’avoit point prevenû ; c’etoit une agréable surprise. Le 19
je dinai chez le Feldmarchal Münnich, et je fûs à la cour ; j’ai omis toutes les visites,
comme très peu importantes. Je finis Monsieur mon très cher et très honoré Oncle !
en Vous demandant mille pardon de plusieures bagatelles dont cette lettre est remplie.
je suis obligé de sortir tous les matins depuis 9 heures jusqu’à un heure après midi, de sorte
qu’il me reste peu de tems pour étudier. Mon père, ma mère et toute notre famille
Vous font présenter leurs civilités, et à de même à Madame Votre Epouse et toute
vôtre aimable famille ; ma femme, cette chère femme, Vous prie d’agréer ses
respects, et de Vous charger de présenter les nôtres à Madame Votre épouse ; nos civilités
et amitiés à Mesdem. Vos filles, nous embrassons le petit Fritze et Lude ; Albertine salue
en particulier le dernier et lui fait dire qu’elle a déjà deux dent, elle fera quelque
jour une bonne russienne. Tous se portent bien ; et nos amis, amies, connoissances
trouvent ici les assurences qui leur sont duês de nôtre part. je suis avec un profond respect

Monsieur et très honoré Oncle

Votre très humble et très obeissant Servi.
Et neveu

J. Albert Euler

Petersburg ce 21 Novembre St. v. 1766. Monsieur mon très chèr et très honoré Oncle!

Je commencerai par repondre à la lettre que Vous venez d’ecrire à mon père. Si j’étois moins foible dans la langue françoise, si les sentimens de mon cœur ne surpassoient pas en energie toutes les expressions que je pourrois former, je Vous peindrai avant toute chose Monsieur et très honoré Oncle ! tous le respect et toute la reconnoissance que je Vous porte, je Vous dirai enfin, combien je Vous regrette et combien je suis sensible à Votre precieux souvenir.

1. L’Academie Imperiale reçoit plusieurs journeaux et presque tous les mémoires des autres Academies, mais elle les reçoit un peu tard, sachant d’ailleurs que Vous recevez souvent des nouvelles litteraires avant qu’elles paroissent dans les journeaux, elle Vous prie de lui en faire part ; Vous assurant de plus que Vos lettres lui seront toujours agréables quoiqu’elles contiennent et à quel tems Vous les lui enverrez. L’Academie nene vous prescris pas cette raison point des termes reglés pour ces envois.

2. Votre pension commence du jour de Votre engagement, c’est-à-dire de la date de la lettre de Mr de Stehlin. Vous recevrez au nouvel an la partie qui est dû à l’intervalle echû, et dans la suite on Vous enverra à chaque renouvellement d’année une lettre de change de la valeur de 200 Roubles, que Vous présenterez pour toucher cette somme à quel Banquier que Vous jugerez à propos.

3. Vous enverrez à l’Academie à la fin de chaque année un compte, contenant les ports de lettres et les fraix de tout ce que Vous avez deboursé pour les commissions qu’on Vous a donné pendant le cours de l’année. Vous commencerez par ce que la lettre de Stehlin vous a couté.

4. Vous aurez enfin la bonté d’instruire l’Académie imperiale de tout ce qui se passe d’important dans l’Academie de Berlin. Voilà tout ce dont la Conference d’hier m’a chargé de Vous ecrire. Le Comte d’Orloff m’a ordonné de Vous assurer qu’une lettre de Votre part ne sauroit que faire plaisir à S.M.I. il vient de lui communiquer celle que Vous lui avez adressé, dont on a été très satisfaite, et S.M. disoit, Mr Formey me fera grand plaisir en m’ecrivant. Le Comte Vous prie de l’excuser, qu’il ne Vous a pas encore répondû, il a trop peu de momens de reste : l’Academie Imperiale après avoir été instruit du caractère de Mr. Lxxx sera maintenant bien charmée, s’il refuse : qu’il ne rumine pas trop long tems, s’il a envie de venir. S.E.L. de Munnich a recû le livre que Vous avez expedié, mais un peu tard ; c’est sans doute par la négligeance des Maitres de Postes. Nous serons bien charmé de recevoir le Volume de l’Academie de Berlin pour l’année 1759, s’il est possible de nous l’envoyer par occasion. En tout cas Monsieur et très honoré Oncle ! Vous n’avez qu’à donner ce Volume au Libraire Nicolai qu’il s’est chargé de me faire tous les ans un envoi de livres. Vous recevrez au premier jour le Xème Volume de nos Commentaires, peut-être l’avés Vous déjà reçû à cet heure. On imprime actuellement le XIème Volume. Vous me demandez Monsieur et très honoré Oncle ! Si nous avons déjà fait quelques connoissances qui ressemblent aux compagnies de Berlin. A plût à Dieu ! non mon chèr Oncle ! Petersbourg n’est pas l’endroit, où l’on vit de cette façon, la ville est trop grande et les connoissances trop difficiles à cultiver. Peut-être pourrions nous avec le tems trouver

trouver dans le voisinage quelques personnes qui à cet égard pensent comme nous. Jusqu’ici je n’ai frequenté que la Cour et les grands Seigneurs, c’est la manière de vivre ici, et même les academiciens ne se voient guères que dans ces endroits tiers. Je n’ai pas encore eu occasion de voir le comte de Bruce. Vos lettres données au Chantre Poulet et au Bijoutier Marre nous sont bien parvenûes : je suis surpris moi-même de ce que je ne Vous l’ai pas encore mandé. Le premier sera actuellement de rétour à Berlin, mais je n’ai point voulû lui donner des lettres, de peur de lui causer de chagrin : il paroit être un très honnet homme, dont le plus grand defaut consiste à ne pouvoir pas chanter. Je viens à mon journal.

Vous aurez appris de mon beau père, monsieur et très honoré oncle ! que j’ai été présenté à S. M.I. le 23 Octobre. Le 28 je dinai chez le Comte Alexi Rasoumotsky, où je fis connoissance avec le célebre Chambellan Jaragun, neveu du Comte, ou mieux son fils naturel Ce soir il y eut une incendie dans notre voisinage mais le secours a été si prompt et si bien ordonné qu’il ne brûla qu’une seule maisonnette : nous avions tous bien peur. Le 29 je fûs à la Cour. Le 31 fût publié dans le Senat que S.M.I. avoit nommé mon père, moi, Messrs. De Stehlin, Lehmann, Rottelnikoff et Rumoffsky pour travailler sous la direction du Comte d’Orloff à la Restauration de l’Academie des Sciences, cette commission est perpetuelle et administrera toutes les affaires tant oeconomiques que litteraires de l’Academie. C’est un pas qui avec le tems pourra avoir de bonnes suites pour moi. Le 2 de Novembre cette Commission commenta ses fonctions : le 4. Je dinai chez nôtre chef. le 5 j’eus la visite de ce Mr de Millen, dont Vous Vous resouviendrez peut être : il avoit logé dans Vôtre maison et fréquenté Vos leçons de Philosophie : c’est ce vaut-rien qui après avoir dépensé une somme considerable fût subitement rapellé de son père qui alors étoit Chirurgien ici : (le fils) il est actuellement Prof. en Anatomie à l’Hopital . Le même jour je fûs à un enterrement, j’entendis à cette occasion prononcer un très beau discours et je remportai outre cela des gans blancs et un citron. Le 7 je fûs reçû membre de la Societé oeconomique, dont mon beau père Vous fera une ample description. Le 9. J’etois bien surpris de lire dans la Gazette de Francheville que nous avons ici eu la Peste ; qui est ce qui lui aura pû donner cette fausse nouvelle ; jamais l’ automne a été plus belle, et jamais l’année plus saine que cette fois-cy. Le 11. la Commission dina encore chez le Chef : le 12 je fus à l'eglise entendre prononcer un sermon françois par Mr. Dilthei. Le 16 fût mon jour de naissance, que ma femme celebra avec beaucoup d’eclat, et dont elle ne m’avoit point prevenû ; c’etoit une agréable surprise. Le 19 je dinai chez le Feldmarchal Münnich, et je fûs à la cour ; j’ai omis toutes les visites, comme très peu importantes. Je finis Monsieur mon très cher et très honoré Oncle ! en Vous demandant mille pardon de plusieures bagatelles dont cette lettre est remplie. je suis obligé de sortir tous les matins depuis 9 heures jusqu’à un heure après midi, de sorte qu’il me reste peu de tems pour étudier. Mon père, ma mère et toute notre famille Vous font présenter leurs civilités, de même à Madame Votre Epouse et toute vôtre aimable famille ; ma femme, cette chère femme, Vous prie d’agréer ses respects, et de Vous charger de présenter les nôtres à Madame Votre épouse ; nos civilités et amitiés à Mesdem. Vos filles, nous embrassons le petit Fritze et Lude ; Albertine salue en particulier le dernier et lui fait dire qu’elle a déjà deux dent, elle fera quelque jour une bonne russienne. Tous se portent bien ; et nos amis, amies, connoissances trouvent ici les assurences qui leur sont duês de nôtre part. je suis avec un profond respect

Monsieur et très honoré Oncle

Votre très humble et très obeissant Servi. Et neveu J. Albert Euler