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Monsieur,
Je ne puis assés reconnoitre la bonté, avec laquelle Vous Vous chargés et l’exactitude avec laquelle Vous exe-
cutés mes commissions; je ne souhaiterois rien de plus, que de pouvoir Vous être utile à mon tour, et à moins de vou-
loir m’accabler sous le poids de la reconnoissance, Vous en userés librement, des que l’occasion s’en presente. Il n’y a
aucun des livres de feu Mr de Mauperthuis, que j’ai notés, qui manque selon l’avertissement. Comme Vous Vous êtes
offert obligeamment à avoir soin de me faire avoir ceux, que je voudrois acheter, je Vous aurois envoyé une note avec
les prix; mais je Vous prie, de me marquer, combien d’argent il Vous reste encore des 100 ecus, que je Vous ai fait payer
afin de pouvoir me regler là dessus.
Quoique je me repete tous les jours la maxime d’Horace: Quid sit futurum cras, fuge quarere, et quem fors dierum
cunque dabit, lucro appone,1 cela ne sert gueres à me rendre plus tranquile sur la triste situation de notre Etat. Vous
avés l’occasion, de parler à beaucoup d’Officiers, qui reviennent de la Pomeranie et d’autres personnes, qui peuvent
être instruits sur les affaires de ce pays là. Si Vous apprenés quelque chose de la maniere, dont les choses se sont
passés dans ce pays là, ayés la bonté, de me l’écrire. On dit, que le General Schenkendorff a eu son congé, parce
qu’il a refusé d’attaquer les Russes. Il est difficile de juger sur des choses, dont on n’est pas entierement instruit,
et qui ne sont pas de notre sphere; mais selon toutes les apparences, il doit y avoir été commis bien des fautes dans
cette Campagne, puisque sans le moindre coup important on est parvenu à ruiner une fort belle armée beaucoup
plus, qu’on n’auroit fait par deux batailles perdues. Je ne m’attends point à recevoir des nouvelles de mes ter-
res, puisque je crois, que les Russes y dominent deja; cependant, sans affecter un vain Patriotisme, je me console-
rois facilement des pertes, que je ferai à cette occasion, pourvu que les choses tournent mieux la Campagne
prochaine. Hoc erat in votis; et utinam non solum in votis.2
Je ne sai pas, si Vous avés trouvé beaucoup de plaisir à parcourir les reflexions de ma derniere lettre et si elles Vous
ont fait naìtre l’envie, d’en lire la suite; je Vous l’envois pourtant, mais avec la demande, de ne la lire pas, si Vous n’avés
pas peut-être un moment, que Vous jugés pourtant perdu. Il me restoit à prouver, que l’Ecriture Sainte renferme
des verités au dessus mais aucune contre la raison. Ce sujet traité selon toute la rigueur demanderoit un livre entier, un
examen de tous les differents livres de la revelation et une reponse à tous les objections, qu’on a faites. Je me bornerai
à quelques reflexions generales.
1 Horaz, Oden, I,9: „Quid sit futurum cras, fuge quaerere, et quem fors dierum cumque dabit, lucro adpone“; Deutsch: „Was morgen sein wird, frage Du nicht: Gewinn sei jeden Tag Dir, den das Geschick verleiht.“
2 Zitat aus Horaz: „Das war in meinen Gebeten und hoffentlich bleibt es nicht nur Gebet.“
On peut reduire à trois points les matieres contenues dans la Bible. 1/ l’histoire 2/ les dogmes et 3/ la Mo-
rale, mais on ne doit point perdre de vue le but principal de ce livre, qui est, d’etablir un culte raisonnable, et qui
soit agréable à Dieu. L’histoire ne sert que d’introduction et commence par la Création. En considerant l’infi-
nité de contradictions et d’absurdités, que les Philosophes Payens ont soutenu sur l’origine du monde et du gen-
re humain, on conviendra, qu’il êtoit necessaire d’instruire les hommes, que tout ce, que nous voyons a êté pro-
duit par une puissance infinie, et independante de l’Univers. Voilà le but des premiers Chapitres de la Genese.
Il n’êtoit pas necessaire pour cela d’entrer dans un detail Philosophique des moyens, que le Créateur a employé
pour faire naìtre une chose de l’autre. Le peuple Juif, pour lequel ces livres furent principalement composés,
êtoit trop peu lettré pour y comprendre quelque chose; Moyse même n’en auroit pas parlé pertinemment, si Dieu
ne lui auroit communiqué par une revelation immediate toutes les idées entremediaires, que la reflexion et l’experi-
ence nous ont decouvert depuis. Une infinité de miracles auroit êté prodigué sans but. Ce n’est ainsi pas sans
raison que l’histoire de la Création est racontée d’une maniere fort simple, quoiqu’à l’Orientale. Je laisse à
decider aux savants connoisseurs de l’antiquité, comme Grotius et d’autres, s’il y a effectivement une si gran-
de conformité entre les sentiments des Philosophes Payens et le recit de Moyse; il me suffit de reconnoitre
aucune contradiction en ce, que le Ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent a êté produit par Dieu dans
l’espace de six jours. J’y vois aussi le but general de l’Ecriture Sainte, qui nous montre dans l’histoire de
la Création Dieu, comme le Créateur de toutes choses et de qui tout depend. Je ne desapprouve pas les peines
que Whiston, Burnet et d’autres se sont donnés, pour expliquer comment cela a pu se faire, mais je crois que
cette explication n’êtoit pas necessaire, pour le but que Moyse s’est proposé. L’histoire du Deluge est raconté
de la même maniere et avec la même brieveté. Le fait est établi, sans entrer dans les raisons, qui l’ont produit
et les changements, qu’il a occasionné. Moyse semble toujours avoir eu en vue, de nous faire remarquer le gouver-
nement, que la Providence Divine exerce sur l’Univers, sans chercher à augmenter notre savoir dans la Physique.
Apres le Deluge l’Ecriture Sainte poursuit l’histoire des Juifs et ne parle de celle des autres Nations que
par accident et autant, qu’elles ont êté en relation avec les Juifs. Tout ce qui peut constater l’authenticité d’[une]
histoire se rencontre ici. Les Juifs ont de tout tems reconnu la verité de cette histoire et leur unique Historien
Josephe l’a copié servilement; si on veut juger impartialement et ne pas se jetter entierement dans le Pyrrhonis-
me historique, on sera obligé de convenir, qu’il y a infiniment plus d’epreuves pour la verité de l’histoire Sainte
13
que pour celle d’aucun historien Profane. Mais pourquoi l’Ecriture Sainte se renferme t’elle
a l’histoire des Juifs, pourquoi ne parle t’elle pas de l’histoire des autres peuples. La reponse à cette questi-
on n’appartient pas à mon but, je n’ai pas à rendre conte des omissions mais je veux seulement montrer
que ce qui est contenu dans la Bible est conforme à la raison. Outre cela il y a une raison bien naturelle
à donner de cela. C’est du peuple Juif, que devoit naìtre le Sauveur du Genre humain, ainsi la connois-
sance de l’histoire de ce peuple nous êtoit plus necessaire, que de celle d’aucune autre nation.
Le même DIEU, qui nous est representé dans l’histoire sainte comme le Créateur de l’Univers, comme celui
qui dirige tous les evenements de ce monde selon ses Loix, nous est montré dans les dogmes de l’Ecriture Sain-
te, comme le plus parfait des Êtres. Je n’ai pas besoin, de m’etendre beaucoup sur cette matiere, puisque
generalement tout ce que nous trouvons de juste dans les reflexions des Philosophes sur la Divinité, est ce qui
est le plus conforme à l’Ecriture Sainte. Mais c’est ici principalement, que se trouvent les verités au
dessus de la raison, qui constatent la revelation Divine. Tout le monde avoit perverti son chemin devant
DIEU; ce Juge impartial ne pouvoit pas pardonner ces crimes, sans inviter tous les Creatures raisonnables
par l’impunité à de pareils forfaits: le bien general de la Création, auroit êté ruiné et la gloire de DIEU
obscurcie. Ce n’êtoit pas sa vengeance, qui poursuivoit les foible mortels, c’êtoit son amour impartial
pour toutes ses creatures, qui, pour conserver l’ordre general, l’obligeoit à punir les hommes. Il n’y avoit
qu’un moyen, de les sauver. C’êtoit de montrer par un grand et terrible exemple le deplaisir que Dieu avoit
pour les pechés, la severité, qu’il exercoit contre ceux qui troubloient le bien public de la Création, et de réte
nir par là dans l’amour du devoir les hommes et les autres Créatures raisonnables, malgré le pardon qu’il
accordoit à leurs pechés. Ce fut pour cet effet que cet Esprit Ssperieur, qui par la grandeur de ses perfections
au dessus de nos pensées merita d’être nommé le fils unique et bien aimé de DIEU par qui tout a êté fait,
ce qui est fait, s’offrit en sacrifice pour les pechés de mortels, s’humilia jusqu’à prendre la figure humai
ne et expia tous nos crimes à la Croix. S’il falloit un tel sacrifice, que celui du premier né et du plus
parfait de toutes les Creatures, du Souverain Seigneur de toute la création, quel motif pour detester le
peché! Si DIEU ne pouvoit pas epargner son propre fils, des qu’il s’étoit chargé du peché des hommes
quelle severité n’exercera t’il pas contre ceux, qui perseverent dans les crimes! C’est cette verité, qui recon
cilie la justice Divine avec sa misericorde, qui ne me paroit pas contre la raison de la façon que je la concois
et qui est infiniment au dessus d’elle, puisque par nos propres lumières nous ne pouvions pas même soupconer
l’existence de Jesus Christ. Cette verité est le fondement de tout le Christianisme et DIEU paroit avoir voulu
preparer l’esprit des hommes à la recevoir, en ordonnant le culte Levitique et le nombre des sacrifices prescrites par loi.
Il y a encore beaucoup de dogmes, qui sont à la fois conformes et au dessus de la raison, mais leur examen me mene-
roit trop loin; j’ai voulu seulement montrer par un exemple qu’on pouvoit les concilier à nos lumieres naturelles.
Tout le monde, sans en excepter même la plupart des esprits forts, convient assés generalement de l’excellence de la
Morale Chretienne. Accommodée à la portée de tout le monde elle ne demande, que l’amour de Dieu et l’amour de
son prochain; par consequent la penitence, d’avoir offensé le meilleur des Etres, la foi vive en lui, qu’il peut et veut
nous donner tout ce qui nous est utile pour l’amour de Jesus-Christ, le desir de lui plaire et de vivre conforme à sa vo-
lonté, la charité universelle envers tous les hommes et le pardon même des offenses de nos ennemis. Mais dans sa
simplicité elle est le moyen le plus sur pour parvenir à notre Souverain bonheur. Figurés vous un monde rempli
de vrais Chretiens et jugés, s’il y auroit un êtat plus desirable; c’est l’idée que je me forme de la vie eternelle. Mê-
me dans ce monde perverti, quelle situation plus heureuse, que celle d’un homme, qui detestant sincerement ses
pechés passés, se confie uniquement en DIEU, et est persuadé, qu’il lui pardonnera les transgressions, qu’il lui
accordera sa grace, pour mener une vie plus sainte, et qu’il tournera tout à son avantage, qui n’est occupé dans tou-
tes ses actions que de l’idée de Dieu, la seule idée libre de toute imperfection par consequent de tout degout et chagrin
qui aime sincerement tous les hommes et n’est pas tourmenté par les passions tumultueuses de l’envie, de la haine
et de la vengeance, qui ne craint point, quand même le monde s’ecrouleroit, en un mot, qui aime parfaitement Dieu
et son prochain. Un autre que l’Etre le plus parfait peut-il être l’Auteur de Loix, qui ne tendent, qu’au bonheur
de ceux à qui elles sont prescrits?
Voilà les reflexions, que je Vous avois promis sur les preuves de la verité de la religion Chretienne. Si Vous n’y
trouvés point de nouveau, Vous y trouverés au moins mes pensées, et Vous excuserés avec Votre indulgence ordinaire
la negligence du stile et peut être les fautes de raisonnement. Il faut être aussi persuadé de Votre amitié, que je le
suis, pour ne pas craindre de la perdre par l’ennui, que je vous cause par mes lettres. Portés vous bien et n’oubliés
pas Votre ami. à Magdebourg ce 4 Janvier 1762.
Monsieur, Je ne puis assés reconnoitre la bonté, avec laquelle Vous Vous chargés et l’exactitude avec laquelle Vous executés mes commissions; je ne souhaiterois rien de plus, que de pouvoir Vous être utile à mon tour, et à moins de vouloir m’accabler sous le poids de la reconnoissance, Vous en userés librement, des que l’occasion s’en presente. Il n’y a aucun des livres de feu Mr de Mauperthuis, que j’ai notés, qui manque selon l’avertissement. Comme Vous Vous êtes offert obligeamment à avoir soin de me faire avoir ceux, que je voudrois acheter, je Vous aurois envoyé une note avec les prix; mais je Vous prie, de me marquer, combien d’argent il Vous reste encore des 100 ecus, que je Vous ai fait payer afin de pouvoir me regler là dessus.
Quoique je me repete tous les jours la maxime d’Horace: Quid sit futurum cras, fuge quarere, et quem fors dierum cunque dabit, lucro appone,1 cela ne sert gueres à me rendre plus tranquile sur la triste situation de notre Etat. Vous avés l’occasion, de parler à beaucoup d’Officiers, qui reviennent de la Pomeranie et d’autres personnes, qui peuvent être instruits sur les affaires de ce pays là. Si Vous apprenés quelque chose de la maniere, dont les choses se sont passés dans ce pays là, ayés la bonté, de me l’écrire. On dit, que le General Schenkendorff a eu son congé, parce qu’il a refusé d’attaquer les Russes. Il est difficile de juger sur des choses, dont on n’est pas entierement instruit, et qui ne sont pas de notre sphere; mais selon toutes les apparences, il doit y avoir été commis bien des fautes dans cette Campagne, puisque sans le moindre coup important on est parvenu à ruiner une fort belle armée beaucoup plus, qu’on n’auroit fait par deux batailles perdues. Je ne m’attends point à recevoir des nouvelles de mes terres, puisque je crois, que les Russes y dominent deja; cependant, sans affecter un vain Patriotisme, je me consolerois facilement des pertes, que je ferai à cette occasion, pourvu que les choses tournent mieux la Campagne prochaine. Hoc erat in votis; et utinam non solum in votis.2
Je ne sai pas, si Vous avés trouvé beaucoup de plaisir à parcourir les reflexions de ma derniere lettre et si elles Vous ont fait naìtre l’envie, d’en lire la suite; je Vous l’envois pourtant, mais avec la demande, de ne la lire pas, si Vous n’avés pas peut-être un moment, que Vous jugés pourtant perdu. Il me restoit à prouver, que l’Ecriture Sainte renferme des verités au dessus mais aucune contre la raison. Ce sujet traité selon toute la rigueur demanderoit un livre entier, un examen de tous les differents livres de la revelation et une reponse à tous les objections, qu’on a faites. Je me bornerai à quelques reflexions generales.
1 Horaz, Oden, I,9: „Quid sit futurum cras, fuge quaerere, et quem fors dierum cumque dabit, lucro adpone“; Deutsch: „Was morgen sein wird, frage Du nicht: Gewinn sei jeden Tag Dir, den das Geschick verleiht.“
2 Zitat aus Horaz: „Das war in meinen Gebeten und hoffentlich bleibt es nicht nur Gebet.“
On peut reduire à trois points les matieres contenues dans la Bible. 1/ l’histoire 2/ les dogmes et 3/ la Morale, mais on ne doit point perdre de vue le but principal de ce livre, qui est, d’etablir un culte raisonnable, et qui soit agréable à Dieu. L’histoire ne sert que d’introduction et commence par la Création. En considerant l’infinité de contradictions et d’absurdités, que les Philosophes Payens ont soutenu sur l’origine du monde et du genre humain, on conviendra, qu’il êtoit necessaire d’instruire les hommes, que tout ce, que nous voyons a êté produit par une puissance infinie, et independante de l’Univers. Voilà le but des premiers Chapitres de la Genese. Il n’êtoit pas necessaire pour cela d’entrer dans un detail Philosophique des moyens, que le Créateur a employé pour faire naìtre une chose de l’autre. Le peuple Juif, pour lequel ces livres furent principalement composés, êtoit trop peu lettré pour y comprendre quelque chose; Moyse même n’en auroit pas parlé pertinemment, si Dieu ne lui auroit communiqué par une revelation immediate toutes les idées entremediaires, que la reflexion et l’experience nous ont decouvert depuis. Une infinité de miracles auroit êté prodigué sans but. Ce n’est ainsi pas sans raison que l’histoire de la Création est racontée d’une maniere fort simple, quoiqu’à l’Orientale. Je laisse à decider aux savants connoisseurs de l’antiquité, comme Grotius et d’autres, s’il y a effectivement une si grande conformité entre les sentiments des Philosophes Payens et le recit de Moyse; il me suffit de reconnoitre aucune contradiction en ce, que le Ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent a êté produit par Dieu dans l’espace de six jours. J’y vois aussi le but general de l’Ecriture Sainte, qui nous montre dans l’histoire de la Création Dieu, comme le Créateur de toutes choses et de qui tout depend. Je ne desapprouve pas les peines que Whiston, Burnet et d’autres se sont donnés, pour expliquer comment cela a pu se faire, mais je crois que cette explication n’êtoit pas necessaire, pour le but que Moyse s’est proposé. L’histoire du Deluge est raconté de la même maniere et avec la même brieveté. Le fait est établi, sans entrer dans les raisons, qui l’ont produit et les changements, qu’il a occasionné. Moyse semble toujours avoir eu en vue, de nous faire remarquer le gouvernement, que la Providence Divine exerce sur l’Univers, sans chercher à augmenter notre savoir dans la Physique. Apres le Deluge l’Ecriture Sainte poursuit l’histoire des Juifs et ne parle de celle des autres Nations que par accident et autant, qu’elles ont êté en relation avec les Juifs. Tout ce qui peut constater l’authenticité d’[une] histoire se rencontre ici. Les Juifs ont de tout tems reconnu la verité de cette histoire et leur unique Historien Josephe l’a copié servilement; si on veut juger impartialement et ne pas se jetter entierement dans le Pyrrhonisme historique, on sera obligé de convenir, qu’il y a infiniment plus d’epreuves pour la verité de l’histoire Sainte
que pour celle d’aucun historien Profane. Mais pourquoi l’Ecriture Sainte se renferme t’elle a l’histoire des Juifs, pourquoi ne parle t’elle pas de l’histoire des autres peuples. La reponse à cette question n’appartient pas à mon but, je n’ai pas à rendre conte des omissions mais je veux seulement montrer que ce qui est contenu dans la Bible est conforme à la raison. Outre cela il y a une raison bien naturelle à donner de cela. C’est du peuple Juif, que devoit naìtre le Sauveur du Genre humain, ainsi la connoissance de l’histoire de ce peuple nous êtoit plus necessaire, que de celle d’aucune autre nation.
Le même DIEU, qui nous est representé dans l’histoire sainte comme le Créateur de l’Univers, comme celui qui dirige tous les evenements de ce monde selon ses Loix, nous est montré dans les dogmes de l’Ecriture Sainte, comme le plus parfait des Êtres. Je n’ai pas besoin, de m’etendre beaucoup sur cette matiere, puisque generalement tout ce que nous trouvons de juste dans les reflexions des Philosophes sur la Divinité, est ce qui est le plus conforme à l’Ecriture Sainte. Mais c’est ici principalement, que se trouvent les verités au dessus de la raison, qui constatent la revelation Divine. Tout le monde avoit perverti son chemin devant DIEU; ce Juge impartial ne pouvoit pas pardonner ces crimes, sans inviter tous les Creatures raisonnables par l’impunité à de pareils forfaits: le bien general de la Création, auroit êté ruiné et la gloire de DIEU obscurcie. Ce n’êtoit pas sa vengeance, qui poursuivoit les foible mortels, c’êtoit son amour impartial pour toutes ses creatures, qui, pour conserver l’ordre general, l’obligeoit à punir les hommes. Il n’y avoit qu’un moyen, de les sauver. C’êtoit de montrer par un grand et terrible exemple le deplaisir que Dieu avoit pour les pechés, la severité, qu’il exercoit contre ceux qui troubloient le bien public de la Création, et de rétenir par là dans l’amour du devoir les hommes et les autres Créatures raisonnables, malgré le pardon qu’il accordoit à leurs pechés. Ce fut pour cet effet que cet Esprit Ssperieur, qui par la grandeur de ses perfections au dessus de nos pensées merita d’être nommé le fils unique et bien aimé de DIEU par qui tout a êté fait, ce qui est fait, s’offrit en sacrifice pour les pechés de mortels, s’humilia jusqu’à prendre la figure humaine et expia tous nos crimes à la Croix. S’il falloit un tel sacrifice, que celui du premier né et du plus parfait de toutes les Creatures, du Souverain Seigneur de toute la création, quel motif pour detester le peché! Si DIEU ne pouvoit pas epargner son propre fils, des qu’il s’étoit chargé du peché des hommes quelle severité n’exercera t’il pas contre ceux, qui perseverent dans les crimes! C’est cette verité, qui reconcilie la justice Divine avec sa misericorde, qui ne me paroit pas contre la raison de la façon que je la concois et qui est infiniment au dessus d’elle, puisque par nos propres lumières nous ne pouvions pas même soupconer
l’existence de Jesus Christ. Cette verité est le fondement de tout le Christianisme et DIEU paroit avoir voulu preparer l’esprit des hommes à la recevoir, en ordonnant le culte Levitique et le nombre des sacrifices prescrites par loi. Il y a encore beaucoup de dogmes, qui sont à la fois conformes et au dessus de la raison, mais leur examen me meneroit trop loin; j’ai voulu seulement montrer par un exemple qu’on pouvoit les concilier à nos lumieres naturelles.
Tout le monde, sans en excepter même la plupart des esprits forts, convient assés generalement de l’excellence de la Morale Chretienne. Accommodée à la portée de tout le monde elle ne demande, que l’amour de Dieu et l’amour de son prochain; par consequent la penitence, d’avoir offensé le meilleur des Etres, la foi vive en lui, qu’il peut et veut nous donner tout ce qui nous est utile pour l’amour de Jesus-Christ, le desir de lui plaire et de vivre conforme à sa volonté, la charité universelle envers tous les hommes et le pardon même des offenses de nos ennemis. Mais dans sa simplicité elle est le moyen le plus sur pour parvenir à notre Souverain bonheur. Figurés vous un monde rempli de vrais Chretiens et jugés, s’il y auroit un êtat plus desirable; c’est l’idée que je me forme de la vie eternelle. Même dans ce monde perverti, quelle situation plus heureuse, que celle d’un homme, qui detestant sincerement ses pechés passés, se confie uniquement en DIEU, et est persuadé, qu’il lui pardonnera les transgressions, qu’il lui accordera sa grace, pour mener une vie plus sainte, et qu’il tournera tout à son avantage, qui n’est occupé dans toutes ses actions que de l’idée de Dieu, la seule idée libre de toute imperfection par consequent de tout degout et chagrin qui aime sincerement tous les hommes et n’est pas tourmenté par les passions tumultueuses de l’envie, de la haine et de la vengeance, qui ne craint point, quand même le monde s’ecrouleroit, en un mot, qui aime parfaitement Dieu et son prochain. Un autre que l’Etre le plus parfait peut-il être l’Auteur de Loix, qui ne tendent, qu’au bonheur de ceux à qui elles sont prescrits?
Voilà les reflexions, que je Vous avois promis sur les preuves de la verité de la religion Chretienne. Si Vous n’y trouvés point de nouveau, Vous y trouverés au moins mes pensées, et Vous excuserés avec Votre indulgence ordinaire la negligence du stile et peut être les fautes de raisonnement. Il faut être aussi persuadé de Votre amitié, que je le suis, pour ne pas craindre de la perdre par l’ennui, que je vous cause par mes lettres. Portés vous bien et n’oubliés pas Votre ami. à Magdebourg ce 4 Janvier 1762.