Briefe und Texte
aus dem intellektuellen
Berlin um 1800

Brief von Johann Albrecht Euler an Jean Henri Samuel Formey (Sankt Petersburg, 28. Januar 1768)

 

 

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à St : Pétersbourg ce 28 Janvier/8 Février 1768.
Monsieur mon très-chèr et très-honoré Oncle !

J’espère que Vous aurez reçû ma lettre du 11 de ce mois. Mr. le Comte de Gollovin
me fournit présentement une occasion de Vous repondre à celles que Vous m’avez
fait l’honneur de m’ecrire le 9 et le 22 de Janvier. Ces honnête cavallier
est très en peine pour son fils qui est à Berlin : car il y a très long tems
qu’il n’en a pas reçû des nouvelles : il avoit donné ordre de congédier
Dinos sur le champ et de mettre son fils dans une bonne pension, mais
jusqu’ici il n’a rien appris ni de Dinos ni de son fils. Je me suis
donc chargé de Vous prier Monsieur et très-honoré Oncle, de vouloir bien
Vous informer de la situation présente du jeune Comte de Gollovin,
de sa conduite, de ses études et de communiquer là-dessus Vos
pensées et Votre bon conseil ou à moi ou directement au
Chambelan Comte de Gollovin, qui se flatte que Vous ne lui réfuserez
pas cette grace, vû la sincere amitié que Vous lui avez toujours
temoigné, comme il demeuroit encore à Berlin : le Comte Vous
auroit ecris lui-même, si le rétour de la cour et ses fonctions
auprès d’elle ne l’empechoit pas. Un Savant suedois m’assgneege
depuis quelques semaines avec un petit ouvrage de sa composition,
qu’il souhaite de rendre public, sous des conditions acceptables :
comme c’est un pauvre garçon qui ne vis que des informations qu’il
donne à la jeunesse et que l’Academie imperiale ne paie pas
les ouvrages qu’on lui présente pour faire imprimer, surtout
des ouvrages de cette trempe ; il m’a tant tourmenté, qu’il m’a enfin
fait promettre, que je Vous enverrai un contenû précis de son ouvrage
en Vous priant en même tems de tâcher de pouvoir le vendre à quelque
libraire. Quant à l’ouvrage même, j’ai été forcé de le parcourir, et
j’y ai trouvé plusieurs propositions très paradoxes et singulieres,
désorte qu’il n’auroit pas même été permis à l’Academie de le rendre
public : je crois cependant que cet ouvrage ne manquera pas des lecteurs
d’amuser plusieurs lecteurs, et d’ailleurs il ne contient rien qui puisse
nuire ni
soit contraire à la religion niet aux bonnes mœurs : il contient environ 25

25 feuilles ou 100 pages en folio ecrits en mêmes charactères que le
conspectus ci-joint. Je Vous demande mille pardons Monsieur et très chèr
Oncle de la peine que je Vous donne ; on a trop insisté et j’ai été obligé
enfin de ceder. En tout cas Vous pourriez aussi donner cette commission
à quelque autre de ma connoissance qui soit moins occupé que Vous l’etez.
par exemple à Mr. Bernouilli. Des qu’on aura trouvé un libraire qui
voudra bien donner 1 ½ à 2 Ecus pour chaque feuille, je pourrai Vous envoïer
tout l’ouvrage avec le XIme ouvrTome des Commentaires qui vient de paroitre.
Le 1mer Volume du Calcul Integral et le premier tomes des lettres écrites
à une princesse d’Allemagne
sont aussi achevés, et Vous en récevrez des
exemplaires par la même occasion : j’ai retouché le second tome de ces lettres,
celui-ci ne contiendra que des matières de Metaphysiques, et il sera achevé
dans quelques mois : il en paroitra en même tems aussi une traduction
russe. Rien ne transpire ici du Secret, dont Vous avez eu la bonté très chèr
Oncle de me faire confiance ; c’est-à-dire de la lettre que Vous avez ecris
à S.M.I. par ordre du Roi et au nom de l’Acad. de Berlin. Il est juste que
je païe confiance par confiance et que je Vous rende secret pour secret.

Il n’y a pas longtems que mon père recût une lettre du Prince Dolgorovki de Berlin
qui lui récommande un mémoire du horlogeur Hugenin, dans lequel celui-ci offre
à S.M.I. ses très humbles services et promêt de mèner encore avec lui trois
illustres savans, membres de la Commission établie auprès de l’Academie de
Berlin
; lces illustres savans sont, le Prof. Sultzer, le Prof. Castillon, et le
troisième qui ne veut pas se nommer ajoutant qu’il espère qu’on le devinera, c’est
sans doute Mr Lambert. Je ne comprend pas ce qui a pû porter ces Messieurs à
quitter leurs postes de Berlin. le premier ne demande que la direction d’une
nouvelle fabrique universelle des horloges qu’il veut établir ici ; le second
prétend que S.M.I. erige en sa faveur une nouvelle Academie militaire
de la quelle il neveut que d’être le Directeur general ; le troisieme veut
établir aux depens de l’Academie ou de la Couronne une fabrique des lunettes
acromatiques et le quatrième ne veut qu’augmenter le lustre de l’Academie
Imperiale
. Mon père envoïa lce mémoire et la lettre du prince Dolgorucki avec
quelques reflexions de sa façon sur le savoir et le caractère de ces messieurs au
Comte d’Orlov ; celui-ci présenta le tout à S.M.I. mais Elle n’a pas encore
jugé à propos de se declarer. Tout ce ci, Monsieur et très chèr Oncle
que tout ce-ci reste sous le sceau du plus rigureux secret.

33
Le plus grand froid a été ici le 22 à 32 dégrés selon Reaumur au dessous de zero,
pour l’ordinaire c’est à 18 et 20 : je suis cependant sorti tous les jours, mais si bien
empaqueté, que je n’ai rien senti du froid. Mon père Vous fait faire mille
complimens et Vous prie, Monsieur et très-honoré Oncle, de faire ses complimens
de felicitation à son ami Köhler, si l’occasion s’en présentera. Nous sommes très
charmé que le Roi soit si bien revenû sur le compte de cet honnêt homme. Sans doute
auroit’il fait, à proportion la même chose à l’égard de mon père, s’il avoit eu la
patience d’attendre tranquillement sa destinée à Berlin. Mr. Guldenstadt n’est pas encore
arrivé, on ne sait pas pourquoi il tarde tant à venir. Le Lieutenant Istenief
part aujourd’hui avec deux Officiers de la Marine et une bonne escorte à
Jakoutz, pour y observer le prochain passage de Venus devant le disque du soleil.
Il a été présenté à S.M.I. hier au soir. Les autres observateurs Rumovski,
Popow, Lowitz,Krafft, Mallet, Pictet et Euler (le lieutenant) partiront pour
Cola, Kuldin, Sowetzki Monaster, Kandalax, Tobolsk, Orenburg et Astracan, vers
la fin de l’été prochain ; et Pallas, Gmelin, Falk, Lepechin et Güldenstadt
partiront prèsqu’au même tems pour faire des decouvertes de l’histoire
Naturelle aux environs de la Wolga. Vous en pouvez, Monsieur et très honoré
Oncle, faire un article préliminaire pour la Gazette litteraire, quand tout
sera bien reglé, je Vous en enverrai un detail pl article plus détaillé. Je viens
tout à l’heur de récevoir Votre chère lettre du 30 Janvier avec les incluses : et je
Vous reitère ici les plus fortes assurances du plaisir que Vos lettres causent à moi,
à mon père, à ma femme et en général à toute ma familles. Ces tendres marques
de Votre amitié nous sont trop chères et ne pourront jamais venir trop frequemment.
Mais ce que je ne reponds pas aussi souvans à Vos lettres, très-chèr Oncle, ce
que pour la plûspart le tems et l’occasion me manquent : d’ailleurs la pluspârt des
Nouvelles de Petersbourg, où tout Vous est inconnû, ne Vous pourrons jamais interesser
autant, que les nouvelles de Berlin nous interessent : mon silence est toujours une
marque de notre santé, et que tout va dans son train ordinaire. Je n’ai rien appris
d’un Epicier Roue, qui comme Vous me mandéz, très-honoré Oncle, doit être parti
pour Petersbourg. Les berlinois pour l’ordinaire ne manquent pas de venir nous
voir. Je m’informerai cependant et je Vous en ferai rapport à la première
occasion. Nous Vous sommes infiniment obligé de ce que Vous nous indiquez
enfin un Pasteur ; j’en parlerai au premier jour à mes Collegues du Consistoire.
Quant au Comte de Gollovin, je me suis dejà pris la liberté de Vous charger d’une
commission à l’égard de lui. Le Comte de Redern tripote, et il aura le plaisir de
tripoter en vain. Rien n’a encore transpiré du Throne. Suis l’Extrait de
mon journal de puis le 11. Janvier Verse

Le 12 Janvier, je reçû une lettre de Vous, Monsieur et très-chèr Oncle. J’eus plusieurs
visites, et entre autre celle du Comte Fermor avec la Comtesse Steinbock sa sœur
qui vinrent après 7 heures du soir. Le 13 nous dinâmes tous chèz mon pêre, où il
y eut grande Compagnie : on resta aussi à souper. Le 14 encore quelques visites et
en particulier celle de l’Advocat Berlon avec sa femme, qui sont les personnes incon-
nues que Mad. Surry nous avoit recommandé et dont je Vous ai dejà parlé dans ma
lettre du 11 Janvier. On reçût de Moscou la nouvelle que S.M.I. et toute la cour arri-
veront ici en habits russe et que cet habillement pourroit bien un jour être substitués
aux habits françois. Le 15 j’ecrivis à mon beau père sous l’adresse du Docteur
Busching
, le 16 17, et 18 rien de rémarquable : le 19 Mr de Sonntag et le Comte de
Fermor
dinerent et souperent chèz moi : nous n’avons fait que parler de nos chers
Berlinois. le 20 j’allai à une église luthérienne entendre un mauvais sermon, et ma
Femme
présenta l’après diner un enfant au baptême, dont lela femme du précepteur de mes
enfans étoit accouchée. Le 21. rien. le 22 je restais au logis à cause de la du grand
froid, qui étoit ce jour là à 32. Ma mère cependant et ma femme rendirent
plusieures visites de même qu’au jour suivant. le 23 j’eus la visite de Mr de
Sonntag
qui parle beaucoup de son rétour pour l’hongrie. S.M.I. arriva à Czarsko
Seloe
, un château de plaisance à 30 Werst d’ici. le 24, j’eus des visites et
je reçûs des lettres de Vous, très honoré Oncle. le 25 sortit ma Femme.
le 26. Arrivâ S.M.I. en traineau découvert avec toute la cour et en habillement
du païs, ma femme et Trinette allèrent chèz mon frère le medecin pour la voir
passer tout le train. Je fûs vers le soir chèz notre digne Chef, qui resta étoit
tout seul, et chéz lequel je passai avec mon père une couple d'heures. Ensuite
chèz mon frère le medecin ; Mr de Sonntag nous vint voir. le 27 je fis ma
Cour à S.M.I. et au Comte Gregoire Orlof, le favorit, mon frère le Lieutenant
fût présenté à S.M. vers le soir : Mr de la Rivière eut aussi une audience
mais dont S.M. a parû être très mécontente. Le 28. Notre Chef vint à l’Academie
en habillement russe, et il m’paroit que cette mode deviendra bientôt géné-
rale ici. On fera présent à mon père d’un tel habillement, et qu’il sera obligé
de porter pour donner l’exemple aux autres. Nous dinâmes chez notre chef, et
je reçû par Mr de Betzkoi un beau présent de l’Abbé Bossût de Mezieres, con-
tenant ses ouvrages. Le 29. Notre chef fit à mon père au nom de S.M.I.
un très gracieux compliment : Elle lui fit dire que ses sentimens pour lui étoient
toujours les mêmes, et qu’Elle espère aussi que Lui ne changera pas à son égard. etc
On me communiqua une Copie de la reponse du Roi de Prusse à S.M.I. mais je ne puis
pas m’imaginer qu’elle soit fidelle. Les copistes l’ont sans doute estropié.

Le tems et l[arg] m’ordonne de finir. Dieu veuïlle fortifier Vôtre chère santé.
Ma femme Vous présente ses respects ; plurimam omnes omnibus salutem dicant.


Vôtre très-humble et très-obeïssant Serviteur et Neveu Jean Albert Euler
à St : Pétersbourg ce 28 Janvier/8 Février 1768. Monsieur mon très-chèr et très-honoré Oncle !

J’espère que Vous aurez reçû ma lettre du 11 de ce mois. Mr. le Comte de Gollovin me fournit présentement une occasion de Vous repondre à celles que Vous m’avez fait l’honneur de m’ecrire le 9 et le 22 de Janvier. Ces honnête cavallier est très en peine pour son fils qui est à Berlin : car il y a très long tems qu’il n’en a pas reçû des nouvelles : il avoit donné ordre de congédier Dinos sur le champ et de mettre son fils dans une bonne pension, mais jusqu’ici il n’a rien appris ni de Dinos ni de son fils. Je me suis donc chargé de Vous prier Monsieur et très-honoré Oncle, de vouloir bien Vous informer de la situation présente du jeune Comte de Gollovin, de sa conduite, de ses études et de communiquer là-dessus Vos pensées et Votre bon conseil ou à moi ou directement au Chambelan Comte de Gollovin, qui se flatte que Vous ne lui réfuserez pas cette grace, vû la sincere amitié que Vous lui avez toujours temoigné, comme il demeuroit encore à Berlin : le Comte Vous auroit ecris lui-même, si le rétour de la cour et ses fonctions auprès d’elle ne l’empechoit pas. Un Savant suedois m’assege depuis quelques semaines avec un petit ouvrage de sa composition, qu’il souhaite de rendre public, sous des conditions acceptables : comme c’est un pauvre garçon qui ne vis que des informations qu’il donne à la jeunesse et que l’Academie imperiale ne paie pas les ouvrages qu’on lui présente pour faire imprimer, surtout des ouvrages de cette trempe ; il m’a tant tourmenté, qu’il m’a enfin fait promettre, que je Vous enverrai un contenû précis de son ouvrage en Vous priant en même tems de tâcher de pouvoir le vendre à quelque libraire. Quant à l’ouvrage même, j’ai été forcé de le parcourir, et j’y ai trouvé plusieurs propositions très paradoxes et singulieres, désorte qu’il n’auroit pas même été permis à l’Academie de le rendre public : je crois cependant que cet ouvrage ne manquera pas d’amuser plusieurs lecteurs, et d’ailleurs il ne contient rien qui soit contraire à la religion et aux bonnes mœurs : il contient environ 25

25 feuilles ou 100 pages en folio ecrits en mêmes charactères que le conspectus ci-joint. Je Vous demande mille pardons Monsieur et très chèr Oncle de la peine que je Vous donne ; on a trop insisté et j’ai été obligé enfin de ceder. En tout cas Vous pourriez aussi donner cette commission à quelque autre de ma connoissance qui soit moins occupé que Vous l’etez. par exemple à Mr. Bernouilli. Des qu’on aura trouvé un libraire qui voudra bien donner 1 ½ à 2 Ecus pour chaque feuille, je pourrai Vous envoïer tout l’ouvrage avec le XIme Tome des Commentaires qui vient de paroitre. Le 1mer Volume du Calcul Integral et le premier tome des lettres écrites à une princesse d’Allemagne sont aussi achevés, et Vous en récevrez des exemplaires par la même occasion : j’ai retouché le second tome de ces lettres, celui-ci ne contiendra que des matières de Metaphysiques, et il sera achevé dans quelques mois : il en paroitra en même tems aussi une traduction russe. Rien ne transpire ici du Secret, dont Vous avez eu la bonté très chèr Oncle de me faire confiance ; c’est-à-dire de la lettre que Vous avez ecris à S.M.I. par ordre du Roi et au nom de l’Acad. de Berlin. Il est juste que je païe confiance par confiance et que je Vous rende secret pour secret.

Il n’y a pas longtems que mon père recût une lettre du Prince Dolgorovki de Berlin qui lui récommande un mémoire du horlogeur Hugenin, dans lequel celui-ci offre à S.M.I. ses très humbles services et promêt de mèner encore avec lui trois illustres savans, membres de la Commission établie auprès de l’Academie de Berlin ; ces illustres savans sont, le Prof. Sultzer, le Prof. Castillon, et le troisième qui ne veut pas se nommer ajoutant qu’il espère qu’on le devinera, c’est sans doute Mr Lambert. Je ne comprend pas ce qui a pû porter ces Messieurs à quitter leurs postes de Berlin. le premier ne demande que la direction d’une nouvelle fabrique universelle des horloges qu’il veut établir ici ; le second prétend que S.M.I. erige en sa faveur une nouvelle Academie militaire de la quelle il veut être le Directeur general ; le troisieme veut établir aux depens de l’Academie ou de la Couronne une fabrique des lunettes acromatiques et le quatrième ne veut qu’augmenter le lustre de l’Academie Imperiale. Mon père envoïa ce mémoire et la lettre du prince Dolgorucki avec quelques reflexions de sa façon sur le savoir et le caractère de ces messieurs au Comte d’Orlov ; celui-ci présenta le tout à S.M.I. mais Elle n’a pas encore jugé à propos de se declarer. Tout ce ci, Monsieur et très chèr Oncle que tout ce-ci reste sous le sceau du plus rigureux secret.

Le plus grand froid a été ici le 22 à 32 dégrés selon Reaumur au dessous de zero, pour l’ordinaire c’est à 18 et 20 : je suis cependant sorti tous les jours, mais si bien empaqueté, que je n’ai rien senti du froid. Mon père Vous fait faire mille complimens et Vous prie, Monsieur et très-honoré Oncle, de faire ses complimens de felicitation à son ami Köhler, si l’occasion s’en présentera. Nous sommes très charmé que le Roi soit si bien revenû sur le compte de cet honnêt homme. Sans doute auroit’il fait, à proportion la même chose à l’égard de mon père, s’il avoit eu la patience d’attendre tranquillement sa destinée à Berlin. Mr. Guldenstadt n’est pas encore arrivé, on ne sait pas pourquoi il tarde tant à venir. Le Lieutenant Istenief part aujourd’hui avec deux Officiers de la Marine et une bonne escorte à Jakoutz, pour y observer le prochain passage de Venus devant le disque du soleil. Il a été présenté à S.M.I. hier au soir. Les autres observateurs Rumovski, Popow, Lowitz,Krafft, Mallet, Pictet et Euler (le lieutenant) partiront pour Cola, Kuldin, Sowetzki Monaster, Kandalax, Tobolsk, Orenburg et Astracan, vers la fin de l’été prochain ; et Pallas, Gmelin, Falk, Lepechin et Güldenstadt partiront prèsqu’au même tems pour faire des decouvertes de l’histoire Naturelle aux environs de la Wolga. Vous en pouvez, Monsieur et très honoré Oncle, faire un article préliminaire pour la Gazette litteraire, quand tout sera bien reglé, je Vous en enverrai article plus détaillé. Je viens tout à l’heur de récevoir Votre chère lettre du 30 Janvier avec les incluses : et je Vous reitère ici les plus fortes assurances du plaisir que Vos lettres causent à moi, à mon père, à ma femme et en général à toute ma familles. Ces tendres marques de Votre amitié nous sont trop chères et ne pourront jamais venir trop frequemment. Mais ce que je ne reponds pas aussi souvans à Vos lettres, très-chèr Oncle, ce que pour la plûspart le tems et l’occasion me manquent : d’ailleurs la pluspârt des Nouvelles de Petersbourg, où tout Vous est inconnû, ne Vous pourrons jamais interesser autant, que les nouvelles de Berlin nous interessent : mon silence est toujours une marque de notre santé, et que tout va dans son train ordinaire. Je n’ai rien appris d’un Epicier Roue, qui comme Vous me mandéz, très-honoré Oncle, doit être parti pour Petersbourg. Les berlinois pour l’ordinaire ne manquent pas de venir nous voir. Je m’informerai cependant et je Vous en ferai rapport à la première occasion. Nous Vous sommes infiniment obligé de ce que Vous nous indiquez enfin un Pasteur ; j’en parlerai au premier jour à mes Collegues du Consistoire. Quant au Comte de Gollovin, je me suis dejà pris la liberté de Vous charger d’une commission à l’égard de lui. Le Comte de Redern tripote, et il aura le plaisir de tripoter en vain. Rien n’a encore transpiré du Throne. Suis l’Extrait de mon journal de puis le 11. Janvier Verse

Le 12 Janvier, je reçû une lettre de Vous, Monsieur et très-chèr Oncle. J’eus plusieurs visites, et entre autre celle du Comte Fermor avec la Comtesse Steinbock sa sœur qui vinrent après 7 heures du soir. Le 13 nous dinâmes tous chèz mon pêre, où il y eut grande Compagnie : on resta aussi à souper. Le 14 encore quelques visites et en particulier celle de l’Advocat Berlon avec sa femme, qui sont les personnes inconnues que Mad. Surry nous avoit recommandé et dont je Vous ai dejà parlé dans ma lettre du 11 Janvier. On reçût de Moscou la nouvelle que S.M.I. et toute la cour arriveront ici en habits russe et que cet habillement pourroit bien un jour être substitués aux habits françois. Le 15 j’ecrivis à mon beau père sous l’adresse du Docteur Busching, le 16 17, et 18 rien de rémarquable : le 19 Mr de Sonntag et le Comte de Fermor dinerent et souperent chèz moi : nous n’avons fait que parler de nos chers Berlinois. le 20 j’allai à une église luthérienne entendre un mauvais sermon, et ma Femme présenta l’après diner un enfant au baptême, dont la femme du précepteur de mes enfans étoit accouchée. Le 21. rien. le 22 je restais au logis à cause du grand froid, qui étoit ce jour là à 32. Ma mère cependant et ma femme rendirent plusieures visites de même qu’au jour suivant. le 23 j’eus la visite de Mr de Sonntag qui parle beaucoup de son rétour pour l’hongrie. S.M.I. arriva à Czarsko Seloe, un château de plaisance à 30 Werst d’ici. le 24, j’eus des visites et je reçûs des lettres de Vous, très honoré Oncle. le 25 sortit ma Femme. le 26. Arrivâ S.M.I. en traineau découvert avec toute la cour et en habillement du païs, ma femme et Trinette allèrent chèz mon frère le medecin pour voir passer tout le train. Je fûs vers le soir chèz notre digne Chef, qui étoit tout seul, et chéz lequel je passai avec mon père une couple d'heures. Ensuite chèz mon frère le medecin ; Mr de Sonntag nous vint voir. le 27 je fis ma Cour à S.M.I. et au Comte Gregoire Orlof, le favorit, mon frère le Lieutenant fût présenté à S.M. vers le soir : Mr de la Rivière eut aussi une audience mais dont S.M. a parû être très mécontente. Le 28. Notre Chef vint à l’Academie en habillement russe, et il paroit que cette mode deviendra bientôt générale ici. On fera présent à mon père d’un tel habillement, et qu’il sera obligé de porter pour donner l’exemple aux autres. Nous dinâmes chez notre chef, et je reçû par Mr de Betzkoi un beau présent de l’Abbé Bossût de Mezieres, contenant ses ouvrages. Le 29. Notre chef fit à mon père au nom de S.M.I. un très gracieux compliment : Elle lui fit dire que ses sentimens pour lui étoient toujours les mêmes, et qu’Elle espère aussi que Lui ne changera pas à son égard. etc On me communiqua une Copie de la reponse du Roi de Prusse à S.M.I. mais je ne puis pas m’imaginer qu’elle soit fidelle. Les copistes l’ont sans doute estropié.

Le tems et l[arg] m’ordonne de finir. Dieu veuïlle fortifier Vôtre chère santé. Ma femme Vous présente ses respects ; plurimam omnes omnibus salutem dicant.

Vôtre très-humble et très-obeïssant Serviteur et Neveu Jean Albert Euler